Les chroniques de la rentrée littéraire / Septembre 23

L’équipe de la FdLB est à pied d’œuvre pour vous permettre de décrypter les sorties de l’automne et de faire vos choix de lecture en cette fin d’été dédiée aux rentrées scolaires et littéraires. Et puisque le choix parmi les 473 romans français et étrangers à paraître entre août et octobre est large, nous vous proposons des 1ères pistes de lecture. Chaque semaine, cet article sera enrichi de nouvelles critiques. Au final, ce sont une trentaine de romans qui nous paraissent incontournables, chroniqués chaque jour, au cours du mois de septembre, par l’équipe de la FdLB.

Par l’équipe de la Fête du Livre de Bron.

SEMAINE 4

Humus, Gaspard Kœnig
(L’Observatoire)

D’abord auteur de plusieurs romans, puis de nombreux récits ou essais en lien avec son engagement militant, Gaspard Kœnig revient à l’écriture romanesque avec Humus, dans lequel il explore les grands enjeux écologiques de notre temps à travers les parcours sinueux de deux jeunes ingénieurs agronomes qui décident de quitter leurs études à Agrotech pour tenter de changer le monde à partir de l’étude des… vers de terre ! Arthur, le fils de bourgeois, se tournera vers la ferme familiale et le militantisme radical écologique, tandis que son ami Kevin, d’origine plus modeste, se lancera dans le monde sauvage des start-ups et du capitalisme vert, quitte à sombrer dans l’illégalité. A travers ces deux histoires aux allures de romans d’apprentissages, l’auteur livre un regard passionnant sur la crise actuelle, les vices et vertus des différents choix politiques, éthiques et militants, autant qu’un grand roman sur une génération inquiète et idéaliste, désespérée et libre, en quête d’un nouveau monde.
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Triste Tigre, Neige Sinno
(P.O.L)

Neige Sinno signe l’un des livres les plus puissants de cette rentrée littéraire avec Triste tigre, dans lequel elle analyse avec beaucoup de force et de radicalité les viols qu’elle a subis pendant son enfance de la part de son monstre de beau-père. Un livre constitué de différentes strates, qui aborde avec réalisme et précision la terrible violence de ces actes, ainsi que leurs conséquences sur la psyché d’une enfant, et la vie d’une adulte marquée à jamais par ce traumatisme. Un livre de témoignage et de littérature, qui s’appuie sur de nombreux autres textes – ceux de Virginia Woolf, Christine Angot, Vladimir Nabokov ou Margaux Fragoso, ce dernier faisant écho au poème de William Blake qui fait référence au tigre du titre… Un livre, aussi, qui pose la question de la parole, du langage, de la création artistique pour dire le mal absolu et la tragédie vécue, et qui propose une réflexion bouleversante sur le rapport à la honte, au silence et à la dénonciation, mais aussi à l’impossible résilience qui lui fait dire, malgré les étapes heureuses de sa vie, que « ce ne sera jamais fini ». Une véritable déflagration pour le lecteur.
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Vie et mort de Vernon Sullivan, Dimitri Kantcheloff
(Finitude)

Auteur d’un premier roman intitulé Supernova publié dans la collection Les Avrils, Dimitri Kantcheloff revient en cette rentrée littéraire avec un récit aux allures d’exofiction centré sur la figure de Boris Vian, dont on suit les treize dernières années d’une vie marquée par l’insuccès littéraire et la maladie. Une période où l’auteur de L’écume des jours invente une supercherie littéraire – dont la portée n’aura qu’un équivalent au 20ème siècle, celui du double Gary / Ajar – qui va percuter le grand public et secouer le petit monde feutré des lettres françaises. Lassé de son manque de reconnaissance, Boris Vian décide de publier un livre sous le pseudonyme de Vernon Sullivan, un écrivain américain fictif qui aurait été l’auteur d’un roman aux parfums de scandale, intitulé J’irai cracher sur vos tombes, dont il prétend être le traducteur. Une aventure qui le poussera devant les tribunaux, et qui finira de le mener à sa perte. Portrait d’un génie incompris et d’une figure majeure des lettres françaises – son œuvre est désormais un classique -, Vie et mort de Vernon Sullivan est aussi le portrait d’une époque, entre mythe zazou et existentialisme, hantée par les figures tutélaires de Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir et Raymond Queneau. Un vrai régal d’érudition, d’humour et d’intelligence narrative !
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Provinces de la nuit, Loïc Merle
(Actes Sud)

Découvert en 2013 avec
L’Esprit de l’ivresse, Loïc Merle creuse depuis un sillon littéraire singulier et exigeant qui se confirme avec la parution de ce roman pluriel qu’est Provinces de la nuit. Centré sur deux personnages – Ismaël et Réa – qui se rencontrent à l’adolescence dans une petite ville de Province avant de « monter » à Paris pour y vivre leur passion amoureuse, le livre est d’abord une magnifique réflexion sur la force du premier amour, les idéaux de la jeunesse et le désenchantement, les stigmates d’une rupture douloureuse et les illusions perdues. Cette éducation sentimentale chaotique trouve un écho politique dans les tragédies de l’époque, puisque l’un et l’autre seront plus tard percutés par les attentats du 13 novembre 2015 au Stade de France, sur les terrasses parisiennes et au Bataclan, comme une blessure irréparable faite à l’ensemble d’une génération. Loïc Merle aborde ce sujet délicat avec les armes du romancier, multipliant les points de vue et les focales pour tenter de cerner la réalité de cette soirée dramatique. A travers notamment l’errance d’Ismaël dans les rues de Paris, où la barbarie contemporaine résonne avec les grands événements qui ont marqué la capitale (La Commune, le Front Populaire, l’affaire Dreyfus), Loïc Merle inscrit aussi son œuvre dans la lignée d’auteurs qui l’inspirent, de Don De Lillo à Fitzgerald en passant par David Foster Wallace ou Ernest Hemingway.
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Marchands de sable, Agnès Mathieu-Daudé
(Flammarion)

Le roman débute comme une fresque familiale, avec les sempiternelles vacances passées dans leur villa de luxe de Sardaigne par le clan Signorelli, une dynastie de riches industriels italiens dans laquelle Suzanne, française d’origine modeste, est entrée comme par effraction en épousant l’un des héritiers, Paolo, avec qui elle a eu trois enfants. Son sentiment de malaise personnel se renforce lorsqu’elle découvre, petit à petit, la véritable activité de l’industrie familiale, dont l’entreprise de roulements à billes contribue de manière directe à la violence du monde contemporain. C’est tout le talent d’Agnès Mathieu-Daudé d’entremêler la fracture affective à la faillite morale d’une famille dont la richesse se construit sur la domination et le cynisme, tout en offrant grâce à la géographie des lieux une sorte de condensé de notre époque. Cette terre de Sardaigne devient l’épicentre des drames d’aujourd’hui, réunissant en un même espace les questions géopolitiques, la crise de la migration, la faillite écologique et les profondes inégalités qui gangrènent les sociétés dites développées. Un roman intime et engagé, baigné d’un soleil radieux qui peine à masquer les zones d’ombre et la noirceur de notre temps, autant que les tourments intimes d’une femme en rupture, qui ouvre enfin les yeux sur la réalité du monde – et de sa propre vie.
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Les formidables journées de Piloursine, Emmanuelle Houdart
(Thierry Magnier)

Les formidables journées de Piloursine commencent et finissent toutes dans son petit lit de bois vert, garni de couvertures et d’étoffes dont les motifs annoncent les aventures du jour. Car cette petite fille espiègle et déterminée, dont on peut supposer qu’elle n’est autre que l’autrice enfant, bondit chaque matin pour faire du quotidien une fête. La voilà partie à l’exploration du monde sur le dos d’un guépard ou en conversation avec une sirène qu’elle vient de pêcher, dans un élan communicatif – toujours vers la droite du livre – que seule la gourmandise semble arrêter. Elle partage alors entremets, crèmes glacées, nectar d’abricot et même gâteau d’anniversaire monté sur patte avec les créatures imaginaires qui peuplent ses journées. Si les quatre histoires d’Emmanuelle Houdart reprennent la structure classique du conte pour enfants, elles sont aussi imprégnés de son univers inimitable et raffiné fait d’images aux couleurs audacieuses et aux détails surprenants qu’elle déploie ici dans des doubles-pages rappelant les cabinets de curiosité d’autrefois. Un nouvel album qui promet aux enfants un monde où tout est permis, et c’est extrêmement réjouissant !
Dès 3 ans.
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SEMAINE 3

Le plus court chemin, Antoine Wauters
(Verdier)

Premier récit autobiographique de l’écrivain belge Antoine Wauters, Le plus court chemin fait néanmoins écho à des thématiques déjà abordées au fil de ses romans – l’enfance dans Pense aux pierres sous tes pas, les mondes engloutis dans Mahmoud ou la montée des eaux… Il est ici question de l’enfance de l’auteur, passée dans les années 80 au cœur d’un petit village de Wallonie, qu’Antoine Wauters décrit à travers les lieux, les sensations, les êtres humains qui peuplent cette campagne, et notamment les grands parents et leur accent flamand. Un livre de nostalgie, sur un monde disparu, qui permet à Antoine Wauters d’évoquer le rapport qu’il développe au langage et aux mots depuis les lectures maternelles de la Comtesse de Ségur jusqu’à son propre passage à l’écriture. Composé de courts fragments, à la fois poétiques et prosaïques, le livre explore le sentiment d’étrangeté d’un homme que la littérature a permis d’ancrer dans le monde tout en l’éloignant de la vie réelle. Pourrait-il s’en passer ? se demande-t-il à travers ce livre, dans des phrases d’une profondeur bouleversante qui disent par exemple ceci : « L’idée folle de tout type qui écrit ? Être heureux sans le secours des mots ». A moins que le bonheur se trouve précisément à la croisée de l’écriture et de la vie ?
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Orchidéiste, Vidya Narine
(Les Avrils)

Quelle belle idée pour un premier roman de s’intéresser à un motif comme l’orchidée, une fleur vieille de 80 millions d’années et présentant plus de 30000 espèces, symbole de la beauté autant que de la mondialisation galopante et de l’exploitation des ressources naturelles… C’est ce que parvient à faire Vidya Narine dans Orchidéiste, avec le personnage de Sylvain, un fleuriste fasciné par ces sujets – leurs origines, leurs noms, leur mythologie – qui, au moment de transmettre son magasin à un successeur, va voir resurgir les fantômes de son passé, notamment la mort précoce de son père et son absence d’héritage familial. Portrait intime d’un homme blessé, autant que roman social, politique et écologique sur les ravages de la surconsommation, le roman nous mène des hôtels parisiens où trônent ces symboles du luxe et du raffinement jusqu’aux serres géantes du Guatemala où les grandes entreprises hollandaises produisent en quantité industrielle, au mépris des travailleurs et de la nature. Érudit et sensible, engagé et littéraire, ce premier roman révèle une voix particulièrement forte qui n’a sans doute pas fini de nous enivrer.
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À ma sœur et unique, Guy Boley
(Grasset)

Écrivain autodidacte et iconoclaste, ancien funambule et dramaturge, auteur de plusieurs livres aux accents autobiographiques sur son forgeron de père, Guy Boley nous surprend une nouvelle fois avec un livre consacré au philologue et philosophe allemand Friedrich Nietzsche. Point de discours universitaire dans À ma sœur et unique, mais une fiction documentée sur la relation que l’auteur d’Ainsi parlait Zarathoustra a entretenu tout au long de sa vie avec sa sœur Élisabeth, de leur enfance fusionnelle à la trahison de celle qui a éhontément exploité son œuvre, tant pour son enrichissement personnel que pour la mettre au service de l’idéologie nazie après sa funeste rencontre avec Adolf Hitler, au début des années 30… On y découvre un Nietzsche souffreteux dès l’enfance, un génie précoce et incompris dont les textes vont révolutionner la philosophie mondiale, un homme épris de liberté dont l’errance à travers l’Europe se terminera aux confins de la folie et dans une solitude totale. À travers ces deux portraits, Guy Boley donne aussi à voir une période où l’Allemagne bascule dans le fascisme et où l’Europe s’embrase, tout en disséquant le parcours d’un homme qui consacra sa vie à l’écriture, sans autre ambition que celle d’être un grand penseur, et un grand écrivain.
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La mémoire délavée, Nathacha Appanah
(Mercure de France)

L’écrivaine mauricienne inscrit son nom au sein de la prestigieuse collection « Traits et portraits », dirigée par Colette Fellous, dans laquelle les auteurs sélectionnés sont invités à écrire sur leur propre histoire. Nathacha Appanah choisit d’y évoquer le destin de ses ancêtres, engagés indiens déplacés sur l’île Maurice pour travailler dans les champs de canne à sucre après l’abolition de l’esclavage. A travers l’histoire de ses grands-parents, à qui elle rendait visite dans son enfance, elle donne à voir la dureté des conditions de vie de ces travailleurs en quasi esclavage, tout en relevant la force et la résistance de ceux qui, tout au long de leurs vies, tentent de trouver une place dans le monde. Agrémenté d’une riche iconographie constituée de photos d’archives de l’autrice – des portraits des aïeux, des objets laissés en héritage, des traces officielles de cette période sombre de l’histoire – ce livre très personnel dit aussi l’importance de ces origines dans le parcours de cette écrivaine majeure, qui fait de l’exil, de la mémoire et de la transmission des motifs récurrents de son œuvre romanesque.
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Déserter, Mathias Enard
(Actes Sud)

Le nouveau roman de Mathias Enard est une fois de plus un savant entremêlement de fiction et de matériau historique. Au cœur du livre se déploie d’abord la biographie fictive du dénommé Paul Heudebert, un mathématicien antifasciste rescapé de Buchenwald qui semble porter en lui-même toute la violence – et les espoirs – du 20ème siècle. Un destin qui trouve un écho dans deux autres évènements tragiques – les attentats du 11 septembre 2001 et l’invasion russe en Ukraine – symbolisant le retour sans fin de la violence et la résurgence de la barbarie de l’histoire. Et puis il y a ces chapitres en montage alterné sur la figure du soldat déserteur cherchant à fuir une guerre (dans un lieu indéterminé, comme une allégorie de toutes les guerres) en tirant vers la frontière. Son errance en quête de guérison et d’oubli le mènera jusqu’aux paysages de son enfance, où il trouvera refuge dans une cabane de pêcheur, et où la rencontre avec une femme, elle aussi traumatisée par le conflit, le conduira petit à petit vers la douceur et l’humanité. À travers tous ces destins cabossés Mathias Enard livre une magnifique méditation sur la folie des hommes, autant que sur les utopies qui permettent à chacun de survivre dans les pires tragédies grâce à la force des idéaux et les vertus de la résistance.
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SEMAINE 2

Le récit du combat, Luc Lang
(Stock)

Qui s’aventure dans la lecture de Le Récit du combat de Luc Lang, en ressort profondément nourri et se pose la question que pose le livre : qu’ai-je fait de ma vie ? Sous-entendu, quel en fut, quel en est le sens ?
En plus de trois cents pages d’une intensité vibrante, l’auteur d’une œuvre déjà imposante, prix Médicis 2019 pour La Tentation, met en scène les différents moments de l’existence (son existence) où le combat est à l’œuvre et où il s’agit de le traverser sans rester au sol. De la première scène fondatrice où une parodie de bagarre a lieu entre le père et le fils sur une plage lumineuse, donnant au jeune Luc l’essentiel pour affronter l’existence, c’est à dire la certitude de la force du père qui une vie durant le protégera, jusqu’à ce moment poignant où l’auteur vieillissant accompagne sa mère âgée dans un hôpital afin qu’elle y trouve sa dernière demeure, nous cheminons sur le fil universel qui s’offre à chacun.
Le récit de Luc Lang est celui d’un long parcours, qui désigne le fils devenant père, transmettant à son tour. Invitant le lecteur à aborder la question de l’héritage comme celui de la chute. C’est un livre qui nous apprend à tomber, à nous relever. Autant écrivain que karatéka, l’auteur parcourt les différents âges de l’existence, avance sur un dojo en recherche du maître qui l’élèvera, qui lui enseignera comment garder l’équilibre, comment regarder loin devant et gravir des montagnes.
Livre de l’esprit autant que du corps, à lire doucement, profondément, en respirant et en se laissant guider de maison en maison, de scènes du quotidien en voyages à travers le monde.
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À pied d’œuvre, Franck Courtès
(Gallimard)

L’un des grands moments littéraires de cette rentrée est assurément À pied d’œuvre de Franck Courtès, récit autobiographique dans lequel l’écrivain questionne la survie quand l’écriture ne permet pas de vivre.
Après une carrière de photographe à qui l’on doit de sublimes portraits des plus grands musiciens de la scène rock et pop (Nick Cave, Jean-Louis Murat ou Björk), publiés dans de prestigieux journaux, Franck Courtès vient à l’écriture et se fait remarquer avec son très beau recueil de nouvelles Autorisation de pratiquer la course à pieds (Gallimard). Six livres plus tard, il se met en scène en tant qu’écrivain sans le sou, dont la vie quotidienne dans la capitale se heurte à une impossibilité de faire face au prix de l’existence.
Avec une lucidité extrême, avec un sens de l’ironie mais aussi une forme de tendre honnêteté, le marathonien qu’est par ailleurs Franck Courtès écrit jour après jour la façon dont il tente de gagner sa vie. Livre d’une époque tout autant que d’une condition et d’une société qui laisse sur le carreau une partie de ses citoyens les plus fragiles, À pied d’œuvre met en scène l’écrivain en train de porter des sacs de gravats avec d’autres journaliers qui parfois ne parlent pas français, de s’improviser taxi ou de dépecer un chevreuil à l’occasion d’une scène aussi désolante qu’hilarante, car il s’agit de manger, de se chauffer, de payer quelques factures, tout en résistant au fait d’accepter un déjeuner avec des amis de peur de ne pas être capable d’en assumer le prix.
Car c’est du prix des choses dont parle ce récit, le prix à payer pour pouvoir écrire et être finalement empêché d’écrire en un paradoxe suffocant.
Livre de résistance, de loyauté, d’innocence aussi. Et de fraternité quand le narrateur se mêle aux autres, à ceux invisibles, qui ne sont ni écrivains ni dans ce luxe supposé de la vie de l’esprit. Livre indispensable dont la beauté de l’écriture est la plus grande richesse.
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La Dernière place, Négar Djavadi
(Stock)

Dans un récit aussi politique que littéraire, La Dernière Place, qui ressemble à un essai ou plutôt une enquête, Negar Djavadi questionne la mort de sa cousine iranienne le 8 janvier 2020 dans le crash du vol 752 d’Ukraine International Airlines, reliant Téhéran à Kiev, quelques minutes seulement après le décollage.
En trois cents pages incandescentes et d’une impressionnante maîtrise, l’autrice de Désorientale (2016, Liana Levi), roman que nous avions profondément aimé, se change en enquêtrice et n’omet rien des raisons qui laissent à penser que ce soi-disant accident (ainsi nommé par les autorités iraniennes les jours qui ont suivi) avait en fait été provoqué par un tir de missiles venant de l’armée iranienne, dans un contexte de tension extrême avec les États-Unis.
Livre de deuil autant que vaste récit géopolitique qui remet en perspective l’histoire de l’Iran, La Dernière Place est l’indispensable pièce pour comprendre la réalité d’un peuple dont certains citoyens ne doivent leur survie qu’à l’exil, pour approcher un régime qui opprime et réprime depuis si longtemps, tout autant que pour prendre la mesure du mouvement révolutionnaire qui s’est emparé de l’Iran depuis plusieurs mois.
Un livre courageux et bouleversant à mettre entre toutes les mains.
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La Nuit Imaginaire, Hugo Lindenberg
(Flammarion)

Le narrateur du nouveau roman d’Hugo Lindenberg avait six ans quand sa mère s’est jetée sur les rails de la Gare de Lyon. Cette réalité-là, qu’il ignorait, vient le percuter alors qu’il est jeune étudiant en plein questionnement sur le sens de sa vie. La Nuit Imaginaire est le récit de celle-ci à partir de la révélation faite par la tante. Perdu entre le désir de savoir et celui d’échapper à la vérité, le jeune homme s’égare, se cherche, aspire à une dérive aussi poétique que sensuelle tout en mettant en œuvre une enquête qui le conduira vers d’anciennes amies de sa mère. Ses nuits l’attirent vers cet univers où les garçons se rencontrent et se réchauffent, parfois dans une boîte du Marais nommée le Hangar.
Car il s’agit d’un passage, d’une initiation, d’une brûlure autant que d’une folie parfois douce parfois dangereuse, dont on revient en marchant malgré tout au-dessus de l’abîme. Il s’agit également d’une traversée, celle de Paris, tout autant que la traversée des jeunes années qu’il faut apprendre à affronter et à regarder en face.
Après le magnifique Un jour ce sera vide (Bourgois 2021) qui valut à son auteur le prix du Livre Inter, La Nuit Imaginaire invite à cet univers envoûtant qui est la marque de cet incontournable écrivain.
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Le Vieil Incendie, Elisa Shua Dusapin
(ZOE)

Découverte avec le magnifique Hiver à Sokcho – récompensé du prestigieux National Book Award en 2021 et en cours d’adaptation au cinéma avec le grand Rochdy Zem – Elisa Shua Dusapin publie en cette rentrée un nouveau roman bref et incandescent intitulé Le Vieil Incendie. Après le Japon, la Sibérie ou la Corée, c’est en France, au fin fond du Périgord que l’autrice nous mène sur les traces de deux sœurs, Agathe et Véra, réunies pour vider la maison familiale suite à la mort de leur père. L’ainée, une scénariste vivant à New-York, n’y est pas revenue depuis plus de dix ans. La cadette, Véra , aphasique depuis l’âge de 6 ans, y vit en lien étroit avec la nature, et notamment les fleurs… Entre description du quotidien – vider les placards, marcher dans la forêt, cueillir des champignons – et méditation sur la filiation, le poids du passé ou la sororité, Elisa Shua Dusapin y propose, dans une langue faussement économe (et vraiment sensible), une réflexion profonde sur l’incommunicabilité entre les êtres, la force du silence et l’écart, jamais comblé, entre le langage et le réel.
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SEMAINE 1

L’Enfant dans le taxi, Sylvain Prudhomme
(Les Éditions de Minuit)

Changement d’éditeur pour Sylvain Prudhomme – qui signe son nouveau roman chez Minuit – mais toujours le même talent pour explorer la complexité de ses personnages et l’ambivalence de leurs sentiments. Ses plus fidèles lecteurs feront le lien entre L’Enfant dans le taxi et l’un de ses livres précédents, Là avait dit Bahi, dans lequel se trouvait déjà la figure de Luciano Malusci. Les autres découvriront son histoire d’amour éphémère avec une femme allemande pendant la Seconde Guerre mondiale, et l’existence d’un fils caché, fruit de cette union devenue au fil des années un secret de famille savamment enfoui. C’est le petit-fils de Luciano, Simon, qui prendra la plume – et la route – des années plus tard, pour mener l’enquête sur cet enfant illégitime, alors même qu’il vient lui-même de vivre une rupture avec A., sa compagne et mère de ses deux fils… A travers ces destins entremêlés, l’auteur de Par les routes explore avec une grâce infinie des questions intimes et existentielles sur l’amour, la séparation et la solitude, mais aussi sur les silences qui hantent les récits collectifs, qu’ils soient historiques ou familiaux.
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Western
, Maria Pourchet
(Stock)

Présente dans la sélection du Prix Summer en 2022 avec Feu, Maria Pourchet confirme qu’elle est une écrivaine de l’époque autant que de l’intime avec ce nouveau roman qui, ancré dans les codes du Western, explore une fois de plus le sentiment amoureux à l’aune du temps présent. La rencontre entre Aurore, une jeune femme en crise qui tente de se ressourcer dans sa maison familiale du Lot, et le grand acteur de théâtre Alexis Zagner, qui fuit les lumières de la ville, donne à voir avec beaucoup d’acuité les enjeux des relations entre hommes et femmes au 21ème siècle. Le parallèle avec le personnage de Dom Juan, qu’Alexis renonce à incarner alors qu’il est lui-même mis en cause pour son comportement condamnable avec les femmes, permet à Maria Pourchet de décliner, dans un roman truffé de punchlines et d’une écriture virevoltante, les (nouveaux) fragments d’un (nouveau) discours amoureux.
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Le Roman de Jeanne et Nathan
, Clément Camar-Mercier

(Actes Sud)

L’un des premiers romans les plus radicaux de cette rentrée littéraire sur deux personnages dont le point commun est leur addiction à la drogue. Nathan est un universitaire spécialiste de la morale dans le cinéma hollywoodien (!) qui tente de tromper son ennui dans les paradis artificiels, Jeanne une actrice pornographique dont la consommation est avant tout une façon de tenir le coup dans l’univers sordide de l’industrie du X. Leur rencontre dans une clinique de désintoxication, et la découverte de l’amour comme remède (incomplet) à leurs maux, transforme ce roman social en une histoire romantique et tragique, et ouvre une réflexion ultra contemporaine sur nos sociétés de consommation devenues des sociétés d’addiction. La drogue, le sexe, l’amour et la politique, même combat !
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Le Château des Rentiers
, Agnès Desarthe

(L’Olivier)

Avec Le Château des Rentiers, l’écrivaine et traductrice Agnès Desarthe donne un des romans les plus personnels de sa riche bibliographie. En convoquant le souvenir des ses grands-parents, juifs d’Europe centrale qui avaient vécu leurs dernières années à Paris dans un immeuble communautaire aux allures de phalanstère joyeux, elle s’interroge autant sur ses origines et sa généalogie que sur son avenir à long terme, donc sur la fin de sa vie… Placé sous le signe de l’humour et de l’ironie, voire de l’autodérision, le roman devient le lieu d’une utopie, d’un projet collectif qui, comme ses grands parents avant elle, permettrait d’éviter la solitude, de vivre avec les êtres aimés jusqu’à sa mort, et de maintenir une forme de vie intense, de vie vivante. Un roman élégant, lucide, vigoureux, plein d’espoir et de fougue, qui donnerait presque envie de vieillir !
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Pauvre folle
, Chloé Delaume

(Seuil)

Prix Médicis en 2020 pour Le Cœur synthétique, Chloé Delaume revient dans Pauvre folle avec un  personnage aux allures d’alter ego, une cinquantenaire nommée Clotilde dont on suit le flot de pensées qui la submergent le temps d’un voyage en train vers Heidelberg. Au cœur de cette traversée des souvenirs, celui de la scène matricielle évoquée dès son premier livre, Le Cri du sablier, où elle racontait le meurtre de sa mère par son père, sous ses yeux, alors qu’elle n’avait que dix ans… Puis l’adolescence, la fragilité mentale et la tentation du suicide, l’amour aussi bien sûr, et les relations impossibles en particulier, comme celle vécue avec Guillaume, qui remonte à la surface suite à sa réapparition… Un livre audacieux, littéraire, méchamment drôle et bouleversant en même temps, tout ce qu’on aime dans l’écriture de soi (et des autres donc !).
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Journal d’un scénario
, Fabrice Caro
(Gallimard)

Adrien, Axel, Alan, et maintenant Boris, un avatar de plus dans la galaxie des personnages de quadras paumés mais attachants que Fabrice Caro décline depuis son brillant passage au roman avec Le Discours. Notre anti-héros est cette fois-ci un scénariste exigeant dont le projet est petit à petit massacré pour répondre aux normes supposées du grand public autant qu’à la cupidité des producteurs. Le film d’auteur qu’il imaginait récompensé à Cannes se transformera en une grande comédie potache et soi-disant populaire… C’est la chronique de ce renoncement que nous suivons au fil du journal tenu par Boris – tout à la fois satire de l’industrie du 7ème art et déclaration d’amour au cinéma – qui explore avec humour et ironie les tourments intimes d’un personnage en crise, entre liberté et soumission, résistance et compromissions, ambitions passées et illusions perdues.
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La suite des chroniques quotidiennes publiée samedi prochain !

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