Histoire d’un oui
« L’éditrice Camille Gautier m’a envoyé ce texte de Thomas Vinau. Tout simplement. Nous ne nous connaissions pas davantage. J’avoue m’être d’abord dit non. Le début avec « Le vilain petit bonhomme… » a été un peu rédhibitoire pour moi au départ. Mais, je l’ai lu en entier. Puis relu. Je n’ai pas répondu immédiatement. Et ça me travaillait et je me disais « mais non, il est vraiment chouette ce texte ». Il m’habitait complètement. On a vite envie de le lire à voix haute, je trouve. Je me suis rendue compte que je l’aimais beaucoup. Plus que ça même : il me parlait vraiment. L’éditrice m’a relancée et j’ai répondu oui ! »
Histoire de promenades
« Je vis à la campagne. Pas très loin de Bruxelles, mais dans un coin très vert quand même. J’habite juste à côté du bois et je m’y promène tout le temps (enfin, quand je ne dessine pas…) ! Les mots de Thomas Vinau me trottaient dans la tête et c’est un peu comme si je les promenais avec moi. Je les ai trimballés ainsi pendant quatre saisons. J’ai besoin de la forêt, de la nature. C’est vital et ça nourrit complètement le dessin.»
Histoire de réalité
« Après m’être plongée dans le texte, il y a toute une série de choses que j’ai senties tout de suite. L’alternance des plans larges et des détails, la présence d’un enfant… Au début, j’envoyais des brouillons. Tout allait bien ! Je pensais que je ferai cela très facilement. Quand j’ai commencé à faire les vrais dessins, je les ratais sans cesse. Je pensais laisser venir les choses… Et j’ai compris qu’il me fallait une structure géographique liée aux promenades. J’ai construit un chemin de fer avec des lieux qui semblaient évidents et qui sont les lieux liés à la réalité proche de chez moi. J’ai l’impression que quelqu’un qui ne vit pas ici peut s’y retrouver tout comme les gens du coin vont reconnaître ! D’ailleurs cette maison ressemble très fort, mais vraiment très fort, à une maison qui existe dans le village où je suis…»
Histoire de cartes
« C’est comme si c’était toujours au même endroit. On circule dans les environs de cette maison, on repasse par les mêmes endroits. La vallée est toujours la même dans chaque double page pour les quatre saisons. Seul, le point de vue change. Je cartographie dans ma tête mais aussi sur le papier. C’est le cas dans d’autres de mes livres, comme dans Le pays des Chintiens (La Grande forêt (2016), Les Îles (2019), éd. Pastel) où c’est aussi hyper présent. Je fais cela même quand je dessine des intérieurs. Je gère l’espace, je ne peux pas travailler dans un “truc plat”. Dans la vie aussi, j’adore les cartes, j’aime me promener à travers elles mais aussi les confronter à la réalité. Enfant, j’avais ce côté dans les jeux, je cartographiais des endroits imaginaires. »
Histoire d’atelier
« J’écoute souvent de la musique quand je dessine et entre autres les programmes de Musiq3 en Belgique mais j’ai aussi parfois besoin de silence. J’ai d’ailleurs réalisé une partie de mes dessins en vacances, en Suède, au bord d’un lac, dans un silence d’une qualité particulière… Mon atelier était dehors sur la terrasse. »
Histoire de technique… et de bleu !
« Je travaille avec beaucoup d’encres liquides ou en bâton, un peu de crayons de couleur et un peu d’aquarelle. J’ai recommencé certaines images une dizaine de fois, pour un arbre par exemple qui ne me semblait pas à la bonne place ! Cela peut paraître insensé pour quelqu’un qui est extérieur à l’image… Je me rappelle aussi avoir eu un problème technique. J’ai beaucoup utilisé un certain bleu qui a fini par m’écœurer. Il dominait tout trop ! Cela n’a pas été facile de virer ce bleu et de retrouver un équilibre. »
Histoire de sensations
« Je ne sais pas vraiment ce qui le procure mais je voulais que le silence de la neige se voit. Les images, pour moi, ne doivent pas seulement être visuelles. Elles charrient tout un vécu, tout ce que l’on a ressenti dans un endroit… »
Histoires infinies
« Une alchimie se met en route. Je ne la maîtrise pas complètement. J’ai ici (ndlr : dans son atelier) un paquet d’images pas tout à fait finies. Je dois accepter qu’elles ne le soient jamais, on peut toujours aller plus loin, faire autrement… Mais cela reste gai ! Je m’habitue aussi au fait que si ça rate, ce n’est pas grave, je recommence. C’est une question d’équilibre. Parfois, je rentre dans une image et c’est reparti. Quand j’ai reçu mon exemplaire de Pizza 4 saisons, je l’ai trouvé très bien mais je pourrais encore tout changer ! Je me fais une raison, vraiment, c’est comme ça ! C’est peut être lié à la vie : rien n’est complètement arrêté ! J’essaye de trouver des explications… »
En images
Un entretien réalisé par Raphaële Botte.
Le livre / Pizza 4 saisons écrit par Thomas Vinau, éd. Thierry Magnier, 2022
À partir de 10 ans
L’auteure illustratrice / Anne Brouillard
Anne Brouillard est née en 1967, à Louvain, en Belgique. Elle s’est formée à l’illustration à l’Institut Saint-Luc de Bruxelles. Elle a publié plus d’une quarantaine de livres dont de savoureux albums sans texte plutôt au début de sa carrière. La nature, la forêt, les objets et les moments du quotidien ou encore les cartes font partie des thèmes qu’elle aime explorer. Son trait délicat, son sens des détails, son travail subtil de la couleur et de la lumière confèrent une grande part de poésie à son travail. En 2015, elle a reçu le Grand prix triennal de littérature de jeunesse de la Fédération Wallonie-Bruxelles (Belgique).
Bibliographie sélective /
Albums sans texte
Les trois chats, éd. Le Sorbier, (2008)
Le pêcheur et l‘oie, éd. Seuil jeunesse (2006)
Leporello
Voyage d’hiver, éd. Esperluète (2013)
Albums
Petit somme, Seuil jeunesse (2014)
La Grande forêt, Le pays des Chintiens, éd. Pastel (2016)
Les îles, Le pays des Chintiens, éd. Pastel (2019)
Nino, éd. Les éditions des éléphants (2020)
Retrouvez tous les livres de l’auteure Chez mon libraire.