Prix Summer des Collégiens : rencontre avec Thibault Vermot

« La course dans les nuages », le nouveau roman de Thibault Vermot retrace le duel entre une jeune aviatrice et un pilote chevronné au cœur des années 30 sur fond de montée du nazisme, d’espionnage industriel et de sauvetage humanitaire. Un roman d’apprentissage captivant où rebondissements, cascades et coups bas se succèdent à un rythme effréné pour une folle aventure sur terre comme dans les airs.

Par Laetitia Voreppe

La course dans les nuages est un roman d’aventure historique où il est question de pilotage d’avions, de duel aérien, de traversée de l’Atlantique et d’Aéropostale. D’où vous vient ce livre ? Qu’est-ce qui vous intéresse dans l’histoire de l’aviation dans ses débuts au 20ème siècle ?
L’histoire me vient d’un commentaire sur Facebook où Alex W. Inker, auteur illustrateur avec lequel j’ai collaboré sur le roman La route froide, écrivait à un de ses amis qu’il aimerait illustrer une bande dessinée au sujet de l’aviation. Je me suis souvenu des BD que je lisais moi-même quand j’étais petit, Buck Danny, Tanguy et Laverdure, et ça m’a tout de suite inspiré pour écrire un début de roman qui prendrait place dans les années 30. Le duel aérien entre l’aviateur anglais et l’aviatrice française est quasiment la première idée qui m’est venue, j’ai tout de suite écrit le chapitre sur leur rencontre au Club Royal Geographic. La suite du roman m’a ensuite pris deux ans. C’est un texte qui a mis du temps à venir en réalité, il a demandé beaucoup de recherches et nécessité beaucoup de coupes aussi.

Votre livre comporte beaucoup d’éléments techniques et se déroule dans le contexte historique d’avant la Seconde guerre mondiale. Quelle a été la part de documentation pour écrire ces 300 pages ? Comment travaillez-vous concrètement l’écriture ?
On vit aujourd’hui à l’époque d’internet donc écrire un roman qui nécessite des recherches est beaucoup plus facile qu’auparavant. Chez moi le processus de documentation est quasiment coïncident à celui d’écriture. Pendant le processus d’écriture, je vais chercher une information dès que j’en ai besoin et je peux passer ensuite une heure à lire des choses à ce sujet. Tout ça se fait de manière assez fluide et rapide, d’autant que c’est une période que je connais plutôt bien. En revanche, pour décrire l’avion dans lequel Salomé l’aviatrice et Edgar le journaliste restent une partie du roman, j’ai récupéré le vrai manuel de pilotage d’un Catalina de 1941. Et je l’ai étudié pour savoir ce qu’il se passait précisément quand on appuie sur un bouton plutôt qu’un autre. Et si le covid ne m’en avait pas empêché, j’aurais pris des cours de pilotage pour parfaire mon sujet !

Dans Fraternidad, vous mettiez en scène un adolescent du 21ème siècle qui se rêvait en mousquetaire. Ici dans La course des nuages, les personnages aspirent à aller de l’avant, portés par l’innovation technique du début du 20ème siècle. Vous vous amusez aussi beaucoup dans l’écriture, en faisant des ruptures de ton et de style. En quoi créer ces décalages et ces contrastes vous intéresse ?
Parce que je suis comme ça dans la vie aussi. Je crois que ce qui me terrifie quand j’écris et depuis très longtemps, c’est le cliché. Ce qui ne m’empêche pas d’écrire des choses qui racontent des histoires classiques. Après tout, La course dans les nuages pourrait ressembler à une aventure de Tintin ou un Blake et Mortimer, il y a quelque chose de « ligne claire » là-dedans, mais j’essaie toujours de dévier du cliché de langage, d’images ou de situation. Je suis en recherche constante du petit décalage pour créer une forme de dynamisme et de mouvement.

Le livre met à l’honneur Salomé Declercq, une jeune femme orpheline devenue pilote que rien ne semble pouvoir décourager. À ses côtés Edgar Loiseau, un jeune journaliste naïf et peureux. Ici vous inversez les rôles dans le milieu de l’aviation très masculin. En quoi c’était important pour vous d’inventer un personnage féminin fort ?
J’ai toujours voulu créer des personnages féminins qui arrivent à surmonter des choses. Dans Colorado Train et Fraternidad, Suzie et Selene sont comme ça, elles vont de l’avant. Dans Yôkai, on a affaire à une gamine qui fait bouger les choses. Là, Salomé est vraiment l’héroïne du roman. Mais il ne faut pas oublier qu’il y avait déjà des aviatrices à l’époque. Amelia Earhart est la plus célèbre d’entre elles mais elles étaient nombreuses.
J’ai toujours voulu mettre en scène des personnages féminins puissants parce que je pense depuis très longtemps que l’égalité femmes-hommes est un des points de tension de notre époque. Et si on espère un progrès humain dans ce sens-là, il va falloir la travailler solidement.

Edgar se forme sur le terrain au journalisme de presse écrite en travaillant pour Paris-Soir. Comment vous est venue l’idée d’utiliser un de vos héros pour aborder la question de l’écriture et aller jusqu’à prodiguer des conseils de style ?
Je cherchais d’abord un faire-valoir pour Salomé, j’ai donc créé le personnage d’Edgar, une espèce de pantin rigolo, avec cette forme de naïveté qui me plaisait beaucoup. J’ai un peu calqué la montée à Paris d’Edgar sur L’apprenti de Raymond Guérin, un livre des années 20 qui décrit la montée à Paris d’un homme qui veut réussir dans le théâtre. Et puis je me suis amusé à pasticher un peu les brèves humoristiques de Fénéon, journaliste du début du 20ème siècle. C’est comme ça que j’ai construit pièce à pièce l’arrivée d’Edgar avec ses conseils d’écriture pour émonder le style. Moi qui suis prof, j’embête beaucoup mes élèves avec les subordonnées relatives et les adverbes, mais clairement ce sont des choses qui alourdissent les phrases. Mais je suis honnête avec eux, je leur dis !

Votre roman est un véritable voyage au-dessus du Sahara, de l’Atlantique et jusqu’au Chili, mais c’est aussi un parcours pour les personnages qui apprennent le courage et le dépassement de soi. Est-ce que la littérature est pour vous un moyen de s’ouvrir et de s’élever ?
Oui c’est un voyage la littérature. C’est ce qu’Haruki Murakami appellerait une « capsule de refuge ». Un de ses rêves serait de créer des sortes de capsules dans la rue où on pourrait s’enfermer, se retrouver soi-même, ignoré du monde. Pour moi, la littérature sert à ça. Elle joue un rôle de protection, notamment dans le contexte de covid et de guerre qu’on vit aujourd’hui. Cela étant, je pense que la littérature ne devrait pas seulement servir à s’évader mais aussi à réfléchir et à s’améliorer. L’apprentissage est fondamental, c’est vraiment une dimension qui me fascine : grandir, évoluer, surmonter ses propres défauts et ses propres faiblesses.

Thibault Vermot, La course dans les nuages (Éditions Sarbacane)
À retrouver Chez mon libraire.

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